La coopérative Al Andalucia à Tanger ou la passion de faire perdurer l’art de la plâtrerie
Les Maâlmins de la coopérative artisanale Al Andalucia, spécialisée dans la sculpture sur plâtre et fondée grâce à l’Initiative nationale pour développement humain (INDH), nourrissent tous l’ambitieux dessein de faire perdurer cet art ancestral maroc
Le plâtre, appelé aussi le gypse, est entré dans la décoration des maisons marocaines à partir du 13è siècle. Exclusivement destinée à l’o
ementation, cette matière première est utilisée pour le revêtement mural ou la décoration de plafonds et d’arcades. Elle est également utilisée dans de grandes surfaces architecturales, tels que les mosquées ou les palais.
Créée en 2011 par un groupe d’artisans, la coopérative Al Andalucia a pour ambition de valoriser et de préserver cet héritage ancestral en tant que composante essentielle du patrimoine artisanal marocain, qui préserve un lègue communautaire séculaire et qui inca
e les références identitaires du Maroc, affirme son président Abdelouahed Ennafie, dans un entretien à la MAP.
Selon lui, ce métier qui a émerveillé bon nombre d’artistes, d’experts et d’intellectuels, doit sauvegarder sa place dans l’architecture marocaine, en permettant sa transmission intergénérationnelle, par le biais de la formation des jeunes notamment par l’apprentissage des techniques et des subtilités de cet art ancestral.
“C’est aux jeunes de continuer à porter le flambeau de cet art”, lance Abdelouahed Ennafie, natif de Fès où il s’initia au métier depuis l’âge de 13 ans, avant de s’installer à Tanger au début des années 90.
Né de parents artisans, Abdelouahed a appris ce métier de grands maîtres fassis, mais son apprentissage n’a pas de limites. “Je reste toujours en quête de savoir”, dit-il, ajoutant que “ce métier n’est pas un commerce, mais une passion et un art que je me dois de préserver”.
Abdelouahed et son frère Mohamed partagent la même passion pour la gypserie. Mohamed, lui, est vice-président de la coopérative Al Andalucia. Il se charge du contrôle de la qualité du travail réalisé par les ouvriers. D’après ce Maâlem qui exerce la sculpture sur plâtre depuis environ 24 ans, “les jeunes n’accordent plus autant d’importance à ce métier aujourd’hui en voie de disparition”.
“Plusieurs artisans, poursuit-il, en font un simple métier qu’ils oublient dès qu’ils quittent l’atelier à la fin de leur jou
ée de travail. Pour nous, il s’agit d’une passion avant tout”. En 2012, Mohamed avait remporté le titre du meilleur sculpteur sur plâtre apprenti dans le cadre de la célèbre émission “Sanaat Bladi”, dédiée à la découverte des perles rares de l’artisanat national.
En contemplant les œuvres de ces artisans et l’admirable minutie des détails, on reconnaît leur technicité et leur talent. Tout d’abord, le Maâlem trace les motifs désirés avec une pointe sèche à l’aide d’une règle, d’un compas, de gabarits et de pochoirs. Inspirés généralement de la nature, ces motifs sont représentés sous forme de frises concentriques, d’entrelacs géométriques, de rosaces ou de muqa
as, sans oublier la calligraphie.
Le plâtre est ensuite étalé puis lissé en une couche épaisse de quelques centimètres sur des surfaces hérissées de clous pour en assurer la tenue. Son lent séchage permet aux maîtres artisans de le sculpter patiemment, tout en tâchant de garantir une symétrie parfaite de l’œuvre, un ordre rigoureux, une harmonie paisible.
A l’aide de minces ciseaux, de petits burins et de gouges de diverses sections, l’artisan découpe et sculpte le plâtre frais suivant méticuleusement le tracé de son croquis, creusant plus profondément certaines zones afin d’accentuer les ombres qui permettront d’en accroître le relief. Petit à petit, la masse lisse du plâtre devient dentelle, le gypse est né, grâce aux mains expertes de ces Maâlmins marocains recherchés dans le monde entier pour leur inestimable talent.
D’un rose léger tirant sur le blanc, le plâtre peut être teinté dans la masse, mais être aussi rehaussé de couleurs, d’enluminures, de dorures ou même être décoré avec des morceaux de verre colorés “Iraqi”, explique Abdelouahed Lahdid, l’un des ouvriers de cette coopérative qui pratique ce métier depuis une trentaine d’années.
Dans le cadre de grands projets de plâtrerie, la coopérative fait appel à des artisans occasionnels pour renforcer son équipe composée de 23 membres. Mais le soutien de l’INDH demeure de taille.
En effet, son apport consiste notamment en la mise à disposition du matériel nécessaire à l’exercice et au développement de l’activité de la coopérative et en son accompagnement lors des différents salons, affirme le président d’Al Andalucia, précisant que depuis sa création, la coopérative a participé à bon nombre de manifestations régionales, nationales et inte
ationales, outre la réalisation de nombreux projets de plâtrerie dans diverses mosquées de la région, situées notamment aux quartiers de Zemmouri et de Mghogha à Tanger et dans la région de Bab Berred (province de Chefchaouen).
Grâce à l’INDH, initiative lancée en 2005 par SM le Roi Mohammed VI, nombreuses sont les coopératives qui ont vu le jour. Ce projet à la fois grandiose et novateur s’inscrit dans le cadre des chantiers structurants qui au fil des années ont montré leur pertinence et la sagacité de la vision qui les sous-tend. En effet, cette initiative a eu un impact majeur sur les conditions de vie de plusieurs millions de Marocains, contribuant ainsi à l’instauration d’une paix sociale durable et à l’intégration de larges franges de la population dans le cercle vertueux de la vie active et de la création de richesses.
D’ailleurs, les de
iers chiffres relatifs aux réalisations de l’INDH sont éloquents. Au cours de la période 2005-2016, quelque 10 millions de personnes à travers le Royaume, dont 50% en milieu rural, et 14.000 associations et coopératives ont bénéficié des projets de l’Initiative nationale, tandis que 44.000 projets et 10.271 initiatives ont été réalisés.